L'évolution du diplôme d'accompagnateur en montagne
Depuis les années 70
Le métier d’accompagnateur a vu le jour dans les années 70. Il s’est installé sur un besoin non satisfait doublé d’un vide juridique.
Dans ces années fastes, la randonnée n’existait pas encore. Elle s’est détachée de l’alpinisme pour devenir une activité à part entière et à forte dimension économique. Le nombre de pratiquants a littéralement explosé.
Des massifs déshérités comme les Pyrénées se sont engouffrés dans le créneau en créant des gites d’étape pour randonneurs reliés par des sentiers balisés. La nature ayant horreur du vide, quelques petits malins se sont autoproclamés accompagnateurs et ont fait leurs choux gras sur cette masse de vacanciers très spéciaux pour l’époque. Hurlements des guides de montagne qui voyaient dans ces nouveaux entrants une concurrence déloyale.
Certains de ces nouveaux trouble-fêtes ont même poussé le bouchon jusqu’à empiéter sur les plates bandes des agences de voyage en proposant des forfaits tout compris à base de rando. Nouveaux hurlements des guides qui ne pouvaient concevoir qu’un professionnel de la montagne s’abaisse à ouvrir les boites de pâté. L’avenir leur a donné tort puisque c’est dans cette veine que la Balaguère a fait son lit.
En 1975, Pierre Mazeaud réforme la loi 1948, relative aux Guides de montagne et instaure le Brevet d’ Etat d’accompagnateur en moyenne montagne. Pierre Mazeaud alpiniste de renom et vainqueur de l’Everest n’était pas sans ignorer que la création de ce nouveau diplôme déstabiliserait la profession. Pas tant que ça. Les guides fermement convaincus qu’il n’y avait pas de place pour les accompagnateurs se sont lourdement trompés.
A cette époque un drame muet se jouait dans les Pyrénées. L’exode rural vidait les vallées de ses forces vives. Emu l’Etat réforme le métier de guide et par l’intermédiaire de son bras armé, le Ministère de l’Agriculture basé à de Toulouse met en place un vaste plan de formation aux métiers de la montagne dont celui d’accompagnateur.
Parmi les accompagnateurs formés à tour de bras par le ministère de l’Agriculture, nombreux sont ceux qui ont fait leur trou. Beaucoup de néos ruraux attirés par une vie de rêve dans les Pyrénées ont fait souche.
Création d’un ersatz de diplôme
Au début, c’était une simple formalité. Jurys et candidats se connaissaient parfaitement. Nul besoin pour ce dernier de présenter un dossier ni d’étaler ses états de services. Tout était joué d’avance. Cerise sur le gâteau pour quiconque pouvait justifier accompagner par ci par là. Dispensé d’examen il se voyait délivrer un simple bout de papier valant « autorisation d’exercice ».
Ces temps bénis n’ont pas duré autant que les impôts. Après moult tâtonnements, des stages de formation et des examens se sont mis en place.
Après être passée par toutes les couleurs de l’arc en ciel une dernière mouture vient d’éclore dans le Journal officiel.
2018 le diplôme nouveau est arrivé
Premier changement de taille et non des moindres, le modeste brevet d’éducateur sportif d’antan est devenu un diplôme d’état bac + 2 ouvrant à ses titulaires de nombreuses passerelles universitaires.
Deuxième changement la formation est chapeautée par le Centre National de Ski Nordique et de Moyenne Montagne alias le CNSNMM ou simplement Prémanon dans le Jura. C’est l’équivalent de l’ENSA pour le ski et l’alpinisme.
Du temps où les régions organisaient les formations, certaines délivraient des diplômes au rabais. Les candidats un peu malins savaient fort bien où se présenter avec le maximum de chances de réussite.
Le diplôme d’accompagnateur en montagne se passe désormais en 8 étapes, répartis en 2 cycles. Il faut compter deux ans minimum et de nombreuses ponctions sur le compte en banque.
Hormis le probatoire et quelques stages en cours de cursus se passant en région, les pyrénéens doivent traverser la France plusieurs fois en diagonale pour se rendre à Prémanon recevoir la docte parole.
Le diplôme d'accompagnateur en moyenne montagne aujourd'hui
Première étape : le probatoire surnommé le « proba »
Préalable : qui peut se présenter ?
Pour se présenter au proba il faut avoir 17 ans, être titulaire du PSC1 (premier secours civique niveau 1) et présenter une liste 40 randonnées réellement effectuées. Rajouter à cela les pièces administratives habituellement demandées pour tout examen.
Signifiant littéralement « prouver », le probatoire sert à évaluer les « capacités montagne » du candidat. Dans les faits c’est un tir de barrage destiné à désencombrer le métier.
Pour se faire, il comprend :
- une épreuve de marche visant à apprécier ses aptitudes physiques son aisance à évoluer en terrain qualifié de « merdique » en jargon montagne
- un QCM sur la montagne
- un entretien au cours duquel le jury cherche à sonder la véracité des randonnées déclarées réalisées.
Seule l’épreuve de marche est éliminatoire.
Le QCM et l’entretien ne le sont pas. Le candidat malheureux conserve la marche et dispose alors de deux ans pour repasser l’une ou l’autre des épreuves ratées voire les deux.
Le probatoire nouveau est dit « intégré ».
Les trois épreuves marche, course d’orientation et parcours varié sont réunies en une seule. Objectif : dissuader les « traileurs » du dimanche de s’y présenter. Habitués à suivre les balises, ils doivent les chercher ce qu’ils ne savent souvent pas faire.
En pratique, le candidat part avec un sac de 10 kg pour les hommes, et 7 kg pour les femmes. Il doit contenir une liste de matériel fournie par le jury. Fini les gourdes d’eau remplies qui étaient vidées en catimini derrière le premier caillou. Il se voit remettre un fond de carte où figure une vingtaine de balises dispersées dans la montagne sur un parcours de 6 à 8H comprenant 1300 à 1500 mètres de dénivelée. A lui de les trouver quelle que soit la météo et de franchir la ligne d’arrivée dans le temps imparti.
Ne sont autorisés que la boussole, l’altimètre et la carte. Les GPS et autres ordinateurs de bord sont interdits. Qu’advienne un coup de brouillard, malheur à celui qui ne sait pas lire une carte. Il est interdit aux candidats d’échanger des tuyaux sur la présence de balise. Le candidat qui ne maîtrise pas la lecture de carte et l’orientation va perdre du temps à chercher les balises et arriver hors délais. Ce sont après tout les conditions courantes dans lesquelles l’accompagnateur évolue en situation professionnelle.
Des jurys positionnés tout au long du parcours à des endroits judicieusement choisis, notent l’impétrant sur son aisance à évoluer sur tous types de terrains. Pentes raides en montée et descente, éboulis petits et gros, neige et herbe glissante. Auparavant un atelier de notation était positionné en fin de parcours. Les candidats passant un par un avaient le temps de se reposer. Aujourd’hui c’est fini. La notation pouvant intervenir à tout moment, il faut enchaîner sans temps morts et le celui qui ne sait pas gérer son effort arrive « sec » sur les passagers difficiles. La qualité de sa prestation s’en trouve de fait diminuée.
L’épreuve est éliminatoire. Les postulants passant hors délais, n’ayant pas trouvé toutes les balises ou ayant ramassé des bananes sur le terrain varié sont éliminés.
Le niveau physique requis peut paraître disproportionné mais une saison en marchant tous les jours, c’est long et éprouvant pour l’organisme. Pour être accompagnateur, il faut la « caisse ».
Le lendemain, les survivants sont admis à plancher par écrit sur le milieu montagnard dans ces différentes dimensions naturelles et humaines. Puis vient l’entretien avec un jury composé de deux personnes, dont l’un au moins est guide ou accompagnateur. Ayant en main la liste des randonnées effectuées par le candidat, le jury vérifie quelles n’ont été « pompées sur Internet ». Il apprécie également la réalité de son expérience. Exit les touristes du dimanche ne sortant que quand il fait beau. Le profil « montagnard qui assure » est apprécié.
Une note ministérielle fixe avec précision le type de randonnées à présenter. Autrefois il n’était pas rare de trouver : rando 1 montée au refuge d’Ayous, et le lendemain randonnée 2 descente du refuge par le tour des lacs. Désormais ce n’est plus possible.
Conseil pour le probatoire
S’imprégner de culture montagne, montrer qu’on est ni un randonneur du dimanche, et encore moins un client ou un traileur.
Sortir le plus souvent possible, seul et en groupe mais toujours en situation d’encadrement. Le jury repère immédiatement les passifs se laissant conduire sans rien regarder. La plupart des détails de l’itinéraire leur échappant, le jury qui en général connaît, ne manquera pas de mettre le doigt là où ça fait mal.
La connaissance du milieu montagnard s’apprend dans les livres et sur le terrain. Il existe d’excellents ouvrages comme la Vie en Montagne de Bernard Fischesser, le grand dictionnaire des Pyrénées d’André Levy. L’abondante littérature pyrénéenne de Claude Dendaletche quoique indigeste est un puits de connaissance. La faune, la flore et les grandes lignes et l’adaptation des espèces à la montagne sont le minimum syndical à connaître. Toujours avoir avec soi un livre, des jumelles et un carnet de terrain.
Quelque chose vous intrigue, notez et le soir cherchez l’explication dans les bouquins ou sur internet.
Lire une carte s’apprend. Il faut s’entraîner. La trimbaler dans le fond du sac ne sert à rien. Il faut l’avoir en permanence en main, déplié sur la zone où on se trouve. De même qu’on apprend l’alphabet, il faut s’imprégner de la signification des légendes. Passer tous les symboles en revue et aller voir sur le terrain à quoi ils correspondent et vice versa.
Pour montrer son aisance en terrain varié. Il faut passer devant le jury à toute vitesse, monter qu’on maîtrise le terrain. En jargon montagne, on dit qu’il « faut attaquer ». Les hésitants qui passent au ralenti voire à 4 pattes sont derechef renvoyés dans leurs foyers. Avant l’atelier de notation, essayez d’en « garder un peu sous le pied » pour arriver un peu frais afin de mettre ses tripes sur la table.
Deuxième étape : la formation proprement dite
Le proba en poche, la formation proprement dite peut alors commencer. Bon an mal an, il faut compter 2 ans minimum. Elle se déroule en trois cycles comprenant 5 unités de formation répartis sur 8,5 semaines.
La plupart des modules font l’objet d’une validation de type Acquis / Non Acquis. Les compétences non acquises doivent être repassées.
Le cycle préparatoire d’une durée de 2 semaines
« L’encore candidat » doit se rendre une première fois à Prémanon.
Cette session de formation d’une durée de deux semaines est centrée sur les fondamentaux techniques et pédagogiques : la conduite de groupe, la sécurité en milieu montagnard, le secourisme, la cartographie, l’orientation, la météo, l’autonomie en itinérance, l’environnement professionnel.
En fin de cycle préparatoire, le candidat accède au titre d’Accompagnateur stagiaire et se voit délivrer un livret de formation.
Ce livret est valable deux ans prorogeable d’un an pour raison valable. C’est en pratique le temps imparti pour passer le diplôme. Le désormais accompagnateur stagiaire est autorisé à encadrer contre rémunération sous la responsabilité pédagogique d’un maitre de stage.
Il doit contracter une assurance responsabilité civile auprès de l’organisation syndicale de son choix l’UNAM ou le SNAMM. Rien ne lui interdit de postuler à la Balaguère.
Le premier cycle proprement dit comprend deux modules
Premier module durée de 35 H (1 semaine). Il est consacré aux milieux naturels et humains et se passe en région.
Le second module d’une durée de 70 H (2 semaines) s’intéresse à la moyenne montagne enneigée. C’est à Prémanon que ça se passe. Ne pas hésiter à bien se couvrir, avec des températures souvent en dessous des -20 c’est l’endroit le plus froid de France.
Option tropicale : Les accompagnateurs exerçant sous les Antilles, à la Réunion et dans le DOM TOM n’ayant que faire des igloos peuvent passer à ce niveau une variante « tropicale » du diplôme. Le choix de cette option doit se faire au moment de l’inscription au probatoire. S’agissant d’un diplôme d’état, la DDJS est tenue de désigner un jury capable de les interroger. Seule l’unité de formation tropicale a lieu dans les DOM TOM. Tout le reste se passe à Prémanon. Bonjour le choc thermique !
Le deuxième cycle comprend également deux modules
Le premier module d’une durée de 35H (1 semaine) s’interesse à l’environnement professionnel et à l’encadrement de différents publics. Il se passe en région.
Le deuxième module d’une durée de 35H (1 semaine) est consacré à la physiologie de l’effort en montagne.
Mise en situation professionnelle
Le stage en situation
A l’issu du cycle préparatoire, le candidat doit effectuer un stage en situation sous la responsabilité d’un maitre de stage agréé choisi dans une liste fournie par l’administration. Durant cette période il se doit de réaliser 25 randonnées en situation professionnelle avec des « clients ». Ce point est important car les « randos copains » ne comptent pas. Quelqu’un qui paye « en veut pour son argent ». Particulièrement attentif sur ce point, le Jury saura faire la différence.
Le type et le format des randonnées présentables font l’objet d’une note ministérielle.
Le candidat doit produire un rapport faisant part de son expérience.
Un conseil : tenir au jour le jour un livre de bord renseigné « à chaud ». Y mettre toutes les observations même les plus anodines, le comportement des clients, ses erreurs éventuelles, quelques anecdotes. En faire une synthèse sur le rapport de stage. Le Jury appréciera d’autant plus que c’est en général le point faible de tous les dossiers.
Le rapport doit être clair, impeccablement présenté et sans fautes d’orthographes. Le faire relire. Ça ne marche pas au kilo. Des rapports trop épais et indigestes ne sont lus qu’en travers. Il faut intéresser le jury. Penser à numéroter les pages, à mettre une table des matières et les annexes à la fin.
La période d’observation
Dès la validation de l’unité de formation moyenne montagne enneigée, l’accompagnateur stagiaire doit effectuer 10 randonnées raquettes hors situation d’encadrement sous la conduite d’un professionnel.
Le tronc commun montagne
Hors cursus, le candidat doit suivre en région une « formation commune aux métiers de la montagne ». Appelée pour faire simple et sans respirer FGCMEEESM « Formation générale commune aux métiers d'enseignement, d'encadrement et d'entraînement des sports de montagne ».
D’une durée de 35H elle est sanctionnée par un examen commun aux accompagnateurs, moniteurs de ski et d’escalade. Toute personne possédant déjà le tronc commun montagne en garde le bénéfice.
Le final
Il vient consacrer un long parcours du combattant. Le candidat doit déposer un dossier comprenant outre les habituelles pièces administratives, un rapport d’expérience et le livret de formation dûment renseigné.
Le jour J deux épreuves attendent le candidat.
Pour la première un jury évalue son rapport d’expérience en lien avec son projet professionnel.
Pour la seconde il se voit remettre un support type photo qu’il doit commenter en situation fictive de clientèle.
Le candidat est admis, s’il a obtenu la mention « Acquis » à chacune des deux épreuves. En cas d’échec, il garde conserve le bénéfice de l’épreuve acquise et repasse l’autre dans le cadre de la durée de validité de son livret de formation.
Tout ça a un coût
La formation coûte cher. Aux coûts des formations viennent s’ajouter les déplacements à Prémanon et souvent un manque à gagner.
Des sources de financements existent. Ne pas hésiter à les solliciter le plus en amont possible. Chaque cas est unique. Impossible de les citer toutes.
Et ce n’est pas fini
Les titulaires du DEA-AMM sont soumis tous les six ans à un stage de recyclage non sanctionné par un examen. Comme dirait Coubertin : il suffit de participer.
Dès lors ils se voient remettre une carte professionnelle qui peut leur être retirée pour raisons graves. Par exemple une condamnation pénale pour faute professionnelle.
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Accompagnateur en montagne et écrivain pyrénéiste