Les Bardenas Reales : un mélange inextricable de barrancos, de mesas, de reliefs ruiniformes | La Balaguère

© FOTOLIA / Gerard Defay

Bonjour Yannick ! On entend souvent parler du désert des Bardenas en ce moment.

Tu crois ? C'est drôle, car les Bardenas Reales ne sont pas une région très connue, on en parle dans un petit cercle depuis le début des années 90. Et depuis même si sa médiatisation, sa fréquentation et sa législation ont évolué, les Bardenas Reales passent inaperçues. Elles restent un territoire peu fréquenté et peu équipé du point de vue touristique. Mais c'est justement ça aussi qui permet d'y faire de superbes randonnées, à l'abri de la foule, en toute intimité ! J'accompagne souvent le circuit emblématique de La Balaguère : Bardenas Reales, le charme du désert dans les Pyrénées. Nous y proposons également un circuit de réveillon, qui est complet d'une année sur l'autre. C'est vraiment un itinéraire passionnant, avec de beaux paysages, et chargé d'histoire.

Pourquoi « désert » des Bardenas ?

A part quelques sites emblématiques la majorité de ce territoire n'est parcouru par personne. Par ailleurs, les Bardenas ne sont pas le genre de désert que notre imaginaire nous propose, en effet, il ne s'agit pas ici de dunes de sable à perte de vue… non, il s'agit d'un petit territoire  de 40 à 50 kms du nord au sud et au plus 25 kms d'est en ouest ; dans lequel il n'y a pas d'habitations permanentes. Son originalité, c'est l'esthétique engendrée  par un mélange inextricable de barrancos, de mesas, de reliefs ruiniformes, de champs cultivés. C'est un territoire steppique argileux où le vent agite des arbustes têtus et des herbes folles, où il caresse les roches effondrées, dans lequel notre regard balaye le paysage qui semble posé là depuis une période lointaine… Où sommes-nous... ?

Où se trouvent les Bardenas Reales ?

Le parc naturel des Bardenas reales est un territoire navarrais à part une petite partie aragonaise, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de Pampelune. Il est bordé à l'est par l'Aragon et à l'ouest par la ribera de l'Ebre qui côtoie son extrémité sud. Elles se trouvent en Navarre et c'est un sol basque, bien qu'il y a depuis la guerre civile espagnole, deux pays basques dans ses représentations,  : le franquiste et le républicain.

Il y a un jour de voyage à l’aller et autant au retour. Est-ce du temps perdu ?

Comment ça du temps perdu ! Le trajet pour atteindre ces lieux est un cheminement vers la découverte. C'est le temps pour faire connaissance. Et puis l'on s'arrête, pour pique-niquer et pour visiter des lieux qui introduisent à l'histoire des Bardenas.
Au retour, nous sommes enrichis d'expériences partagées, de découvertes et de rencontres et nantis de la connaissance des Bardenas. Ce n'est pas rien !

Pourquoi aimes-tu tant les Bardenas Reales ?

Oh ! C'est une histoire de temps et d'amitié… D'abord un sentiment géographique très fort, fait d'un rapport aux paysages et aux gens.

Au début, nous faisions un séjour où nous rejoignions les Bardenas depuis les montagnes pyrénéennes, il y avait une lente progression vers ce lieux insolite que nous attendions avec enthousiasme. Nous arrivions en elles sidérés par l'étrangeté de ce que nous découvrions. Par ce que je soulignais tout à l'heure, cette esthétique engendrée  par ce mélange de formes singulières et nous y étions seuls.


Et puis, la région est peu touristique et le contact avec les gens du coin est chaleureux, avec le berger rencontré, l'épicier, dans des bars ou les vieux jouent aux cartes…nous les intriguons : ils se demandent ce qui nous attire dans ce coin ?


Rapidement, une amitié a existé entre les propriétaires de l'hôtel rural qui nous accueille et moi. Je me sens bien chez eux !
Je me rends dans les Bardenas depuis 13 ans et j'y ai passé au moins plus d'un an de ma vie, tu te rends compte ! Avec le temps, il s'est tissé entre toutes ces personnes connues, avec l'intimé du relief et moi, des liens de connaissances et d'estime.

Tu parles souvent de singularité. Qu’entends tu par là ?

Ce qui m'a frappé lorsque j'ai commencé à me rendre dans les Bardenas, c'est une manière singulière d'être sur le terrain, en montagne l'on existe dans un paysage dans lequel on se sent petit, comme 'noyé' ou ' englouti' dans une immensité, là dans les Bardenas se produit quelque chose de différent, une autre échelle temporelle et spatiale, les éléments du paysage qui paraissent lointains et grands sont en fait petits et proches et la marche amène à une nouvelle expérience, présente dans la sensation d'être au plus proche du paysage, comme s'il s'agissait de se trouver dans un tableau… Nous longeons le bord des champs de cultures, nous circulons au fond de petits barrancos et cela participe de cette sensation de proximité avec les éléments du paysage, c'est comme de rentrer dans un tableau de Van Gogh, les couleurs et les formes aidant à l'existence de ce sentiment, ces choses l'auraient inspiré c'est sûr !


Ce qu'offre le territoire des Bardenas est singulier, il n'y a rien de comparable avec d’autres lieux dans les Pyrénées, sûrement cela existe ailleurs dans le monde dans des régions américaines par exemple…mais c'est exceptionnel en Europe.


Tu comprends, il faut saisir le caractère singulier et insolite des Bardenas, comme une sorte de territoire premier avec ses reliefs lunaires…ruiniformes, par endroit, j'y verrais bien un dinosaure, ah! ah! En montant un peu, la vue s'élargie et prend de la hauteur et donne à voir un véritable patchwork de mesas, de barrancos, de ruines, de champs cultivés, c'est imposant et majestueux.


Avec le vent qui balaie la steppe navarraise, surtout 'el cierzo', puissant et déstabilisant qui participe à l'érosion, en transportant beaucoup de matériaux, les lunettes sont les bienvenues.


Son climat est médirerranéo-continental, ça veut dire qu'il y fait froid l'hiver (il gèle l'hiver dans les Bardenas) et très chaud l'été. Par contre avec la pluie, c'est la galère, suivant son intensité et sa durée, le terrain devient impraticable, impossible de circuler, car l'argile se colle aux chaussures et il est impossible de remonter ou descendre les pentes, l'eau envahie le fond des barrancos. Cela peut s'avérer dangereux, mais nous sommes là pour que tout se passe en sécurité.


La marche dans les Bardenas prend une allure inattendue si l'on sait 'entrer dans le paysage' et s'y fondre. Elle sollicite les sens. Lors de certains passages, le corps réclame une mobilisation attentive qui 'bouscule' un peu. La marche devient ludique et joyeuse.

Qu’est-ce qui plait le plus aux randonneurs ?

Eh bien, bien sûr, ces paysages dont nous parlons qui disent le charme des Bardenas.


L'hôtel rural attrayant, Tchapi Txuri, dans lequel nous logeons à Murillo el Fruto qui est un village typique de cette région agricole navarraise. Il est décoré avec goût, confortable et chaleureux. La nourriture, car on y mange une cuisine locale maison, variée et inventive et les vins y sont bons.
La compétence du guide qui les amène dans ce labyrinthe dans lequel il est difficile d'évoluer sans le connaître car il n'y a pas de sentier et de balisage. Sa bonne humeur.


Le déroulement du séjour qui se passe calmement et intensément. Les visites...

Est-ce difficile comme randonnée ?

Pas du tout, c'est un séjour facile, avec des temps de marche de 4 à 5 heures et il y a peu de dénivelé, mais le corps est sollicité pour certains passages courts et ludiques : équilibre, se faufiler dans un étranglement…

Quels sont les à-côtés de la rando ?

Il est intéressant de voir ce qu'est la vie autour des Bardenas, aussi j'aime aller visiter le centre de la ville de Tudela, la Plaza Mayor et ses terrasses de cafés, sa cathédrale, ses places et ses rues anciennes. Nous visitons aussi le monastère cistercien de la Oliva, c'est l'occasion de parler de l'art religieux, roman et gothique. Nous allons aussi parfois dans une bodega mais nous n'oublions jamais les bars qui sont des hauts lieux ethnographiques et désaltérants…

Comment se passe une « Journée type » de rando dans les Bardenas ?

Le petit déjeuner à 8h30 en hiver (beaucoup plus tôt l'été), départ à 9h15. Après avoir pris le pique-nique, nous prenons la route (nous ne partons jamais de l'hébergement à pied). On roule en bus en traversant la piste des Bardenas ou par la route jusqu'au lieu de départ…


Ensuite c'est la marche, nous évoluons donc dans ce territoire steppique, les champs de cultures, nous descendons dans les barrancos, nous montons sur des mesas… Nous sentons, nous admirons, nous faisons des poses café, des poses rigolades…


Vers 13h, 13h30, c'est le moment du pique-nique, avec un moment de sieste, ça aide à digérer. Puis nous reprenons notre périple dans le même esprit que le matin et nous retrouvons notre véhicule vers 16h30 -17h30. Poser le sac, s'asseoir dans le bus est le bienvenu. Maintenant, il faut rentrer, mais sur la route l'on s'arrête dans un bar à Arguedas ou nous passons par Tudela… Retour à l'hébergement, chacun vaque à ses occupations. Nous avons rendez-vous vers 20h30-21 h pour le repas (nous sommes en Espagne). C'est un plaisir de se retrouver à table, moment convivial et festif ou nos estomacs se réjouissent et nos gosiers jubilent. Les discussions vont bon train. Plus tard, certains iront se coucher, marcher pour digérer, d'autres resterons pour échanger ou simplement écouter…
Une bonne journée s'achève…


Toutes nos randonnées dans les Bardenas Reales à pied et à VTT

Un article de Yannick Rolland